Il ne s’agit plus de nier, il s’agit de faire avec !
un film de Margot Reumont
court métrage de 12mn, illustration Bruno Tondeur.
Une co production Lardux Films, Zorobabel et le Studio Tabass co
Synopsis
A la demande de son père, Coline retourne dans sa chambre d’enfant faire le tri dans ses affaires. Les différents objets qu’elle trouvera vont lui rappeler des souvenirs de son enfance, des bons mais aussi des mauvais. En faisant ce tri elle accepte enfin ceux dont elle ne pourra jamais se débarrasser.
Note d’intention
Les observations de René Spitz ont montré que si l’on prend soin de bébés (nourriture et soins physiques adéquats) sans établir avec eux un contact affectif, les enfants dépérissent et peuvent aller jusqu’à se laisser mourir, alors qu’ils étaient nourris, tenus propres et installés dans des berceaux adaptés. On sait depuis que c’est le manque de contact affectif, la carence relationnelle, qui est à l’origine de ces troubles.
Établir une relation affective, un lien d’attachement, avec un autre être humain, est donc un besoin vital. Partons du constat qu’il est indispensable pour un enfant de recevoir l’affection physique de la part de son entourage proche. Au fur et à mesure que l’on grandit, ce rapport physique change, évolue jusqu’au jour où l’on devient adulte. Pourquoi adulte on ne se fait plus de câlins ?
Est-ce que c’est nous qui changeons ou les autres changent de comportement ? Malgré tout, cette rupture semble nécessaire pour grandir et devenir adulte.
“Il me semble qu’un matin on se réveille adulte dans le regard des autres”(1)
Une fois adulte, on réalise aussi parfois que certains gestes, certaines expériences physiques, au lieu de nous construirent, nous ont aussi un peu détruit. Mais ce sont ces petites et grandes cicatrices qui font de nous les adultes que nous sommes.
“Même abimés par elle, dressés contre elle, nous sommes faits de notre enfance, adossés à ses murs sombres.”(1)
Quand j’étais petite, j’aimais beaucoup les câlins, mes parents et mes sœurs m’en faisaient beaucoup. J’en garde un merveilleux souvenir. Petit à petit, naturellement, ça s’est arrêté. C’est normal. Mais, avec l’adolescence, des expériences traumatisantes sont venues marquer la fin mon enfance. D’abord les changements de mon corps, puis le regard des autres et notamment celui des hommes. Quand j’ai eu 14 ans, mon frère est entré dans ma chambre, plusieurs matins au cours de l’été. Prétextant vouloir me faire des calins dans mon lit ; en fait, il se masturbait en me caressant. Je n’ai rien fait sur le moment, je ne me suis pas défendue, je ne me suis pas retournée, je ne lui ai rien dit, j’en étais incapable. Ce n’est que plus tard que je l’ai dénoncé et que j’ai dû raconter à ma mère ce qu’il s’était passé.
C’est comme si les câlins, les rapports affectifs, avec la puberté, étaient devenus forcément sexuel, comme une issue incontournable.
Alors comment on vit après ? Quelle adulte on devient ? Parce que l’enfance est un tout fait de bonheurs et d’expériences plus ou moins traumatisantes et qui sont parfois indissociables. Alors comment on fait le tri ?
En tentant de répondre à ces questions, mon intention est de valoriser la faculté de s’en remettre et dépasser l’agression sexuelle, sa portée, sa résonance, sans pour autant annuler ce qui s’est passé. « Parce qu’il ne s’agit plus de nier, ni de succomber, il s’agit de faire avec. »(2) Parce qu’elle ne définit pas qui je suis mais elle fait partie de moi.
Au début du film, le personnage est nostalgique de son enfance. Mais la nostalgie n’est pas sans souffrance. Les expériences traumatisantes refont surface. Elle doit faire le tri dans ses affaires, le tri dans ses souvenirs. Ce travail lui permet de les accepter et d’aller de l’avant.
« La nostalgie ou « mal du pays » vient du grec nóstos : le retour, et álgos : tristesse, douleur, souffrance ; et désigne souvent une mélancolie accompagnée d’un envoûtement par rapport à des souvenirs liés aux lieux de l’enfance, qu’on évoque à travers une jouissance qui est douloureuse.
La nostalgie peut être caractérisée par plusieurs termes : par exemple « le bon vieux temps », ou bien encore « la belle époque ». La nostalgie évoque une vision du passé bien souvent assez peu objective, elle évoque toujours un sentiment qui prétend que le passé était toujours mieux ou plus agréable que la situation actuelle et fait abstraction des éléments négatifs. »(3)
Références :
(1)Neverland, Timothé de Fombelle
(2)King Kong Théorie, Virginie Despentes
(3)Wikipédia